Belle initiative que ce festival Univerciné. Les salles obscures du Katorza (Nantes) accueillent durant plusieurs semaines des films inédits venant d’Allemagne, d’Angleterre et d’Italie. C’est donc avec curiosité que l’on parcourt le documentaire Vaterlandsverräter (« Traître à la Patrie ») d’Annekatrin Hendel.
Dans les 70’s, Paul Gratzik était écrivain qui bénéficiait d’une certaine notoriété en République Démocratique d’Allemagne. Aujourd’hui, le vieil homme, qui se présente comme le dernier grand poète allemand en vie, ouvre ses portes à A. Hendel. L’homme est taciturne, légèrement alcoolique et misanthrope.
Il évoque ses trois enfants dont les prénoms lui échappent (il rencontrera d’ailleurs son fils), et il marche dans les paysages enneigés qu’il connait bien, en ramenant des souvenirs à la surface, comme autant d’aspérités, de taches venues du passé, noyées dans la blancheur de l’oubli.
Le vieil artiste a eu la chance de côtoyer des cercles de comédiens, de poètes et d’interprètes tant à Dresde qu’à Berlin. Il a connu des histoires d’amour avec des femmes qui ont tout l’air d’avoir été extraordinaires. Il y a notamment eu cette femme beaucoup plus âgée que lui, avec laquelle il a découvert le pouvoir des Mots, et avec laquelle il est resté plusieurs jours au lit pour « prendre du bon temps ». Il est clair que si l’on juge la saveur d’une vie à la diversité de ses composantes, celle-ci n’a pas manqué de goût.
L’autre facette de Gratzik est moins connue. Il devient agent informel de la Stasi. Il rédige des rapports sur son entourage et tout particulièrement sur les artistes qu’il fréquente. Concrètement, il met son écriture au service de la délation.
Évidemment, rien n’effraie davantage les pouvoirs totalitaires que les intellectuels et les artistes. En toile de fond ici, il y a la RDA, et sa cohorte pratiquant la torture et les emprisonnements arbitraires.
Dans les 80’s, Gratzik décide de tout arrêter, il perd une large partie de ses proches, et s’enchaîne alors à l’isolement. Aujourd’hui, il se met dans une colère noire quand on l’interroge sur la Stasi mais cela ne l’empêche pas de se livrer, ni même de louer (dans une nostalgie aveuglante) les vertus du régime communiste.
Sa haine du capitalisme est palpable et son incroyable rage quand il se retrouve à Dresde, dans le hall ultra formaté d’un hôtel, fait plaisir à voir.
Une belle plongée dans la vie d’un autre.
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