Tu connais la Camargue ?


Avertissement. Pour qui veut pleinement déguster le film « Bullhead », la seconde partie de cette chronique est peu recommandable. D’ailleurs, le seul lien existant entre ces deux parties est qu’elles sont placées sous le signe du taureau.



                                                                                                                      Bullhead.



Itinéraire d’un grain de sable.

            La première fois que j’ai vu un taureau, c’était à l’extérieur de la ville. Il stationnait sous une bâche jaune. Il était là, immobile, parmi d’autres, au milieu d’un camping grotesque. Mon père, devinant ma perplexité, m’expliqua alors de quoi il s’agissait. C’est l’endroit où ils se reproduisent. Ah d’accord...OK.

Honnêtement, je ne saisissais pas tout. Ceci dit, dorénavant, je comprenais mieux pourquoi, à l’école, certains crânaient en disant que leurs pères travaillaient à la CIA. L’occasion d’attirer l’attention était trop belle à saisir.

Derrière ces lettres d’or, il fallait entendre Centre d’Insémination Artificielle, mais peu importe. Ils étaient sous les feux de la rampe, voilà tout. Face à cette arme de séduction massive, ma double fracture et mes rollers ne rivalisaient pas. J’étais en plâtre, alors qu’eux, vendaient du rêve. L’American Dream était à portée de main, c’était la classe à Dallas. Les bougres. De toute manière, c’était de bonne guerre. J’aurais fait pareil si mon père n’avait pas déjà été, à l’époque, passionné par le bois, les meubles et son travail.






L'histoire d’une frustration dévorante.
                                                                                          
            Cette semaine, je suis allé avec des amis, voir un film belge. Passé l’humour du guichetier, nous nous installons donc confortablement. Quand « Bullhead » commence, nous découvrons que l’histoire tourne autour d’un taureau nommé Jacky Vanmarsenille. En fait, non, quand « Bullhead » commence, nous découvrons que l’histoire tourne autour d’un homme nommé Jacky Vanmarsenille. En fait, je ne sais plus. Une seule certitude subsiste. Le moment fut inoubliable et pathétique.

Les paysages, les champs, les hippodromes, les maisons closes et les bâtiments agricoles défilent. Le tout est maîtrisé et talentueux. Et à mi-parcours, le flashback opéré est incroyable. Ce regard en arrière nous permet de voir comment la jeunesse de Vanmarsenille a été, comment dire… non pas violée, sûrement pas, massacrée, oui, c’est ça, le mot est lancé. Une vie foutue. Un putain de massacre.

Ensuite, l’adolescence est occultée. Ensuite, l’homme devenu adulte se pique à la colère et carbure aux hormones. Avec son corps difforme et son regard meurtri, il donne des coups dans le vide... Ensuite, ensuite, ensuite, seul le silence subsiste. Je veux dire, Le Silence. Plus opaque que lui, tu meurs.

A l’image des peintures de Francis Bacon, « Bullhead », du début à la fin, sent vraiment la mort. Et il montre finalement une chose terrifiante. A savoir que, l’absence d’écoute peut mener à la barbarie. Si je n’en avais pas déjà été convaincu, je suis sûr que ces 7 740 secondes auraient enfoncé le clou. Bien comme il faut.






 * Ce film est si traumatisant qu’une chaîne de SMS s’improvisa au fil des jours suivants. Je vous en présente deux maillons, le premier : « ça me rappelle le village normand de chez mes grands parents… pas de place pour les sentiments, il faut garder la tête haute à tout prix, même au prix du bonheur. », et le second : « Je crois qu’il faut exorciser les traumatismes sur le champ, les prendre à la racine, l’omerta n’est jamais la bonne solution. ». Ah oui, il y a aussi un retardataire : « A l’avenir, un ptit plateau TV l’amour est dans le pré serait plus sage, non ? La prochaine, c’est en Camargue. »


2 commentaires:

  1. "Bullhead" va bien bientôt finir sur ma speadsheet:
    https://docs.google.com/spreadsheet/pub?hl=fr&key=0AmIdNwLUjjFXdDRYVlJuenZENUt1MGFRaHlWUG1neEE&hl=fr&gid=1

    Pour ma part, venant de la campagne, les bestioles à cornes, c'est inévitable. J'ai même souvenir, armé d'un stick, ne pas faire le fier quand ces "gros chiens" d'apparence mollassonne m'ont sauté une clôture de 2m.

    J'en reviens à mes lectures parce que c'est ce qui m’amène par chez toi. Hier soir, c'est satisfait que j'ai tourné la dernière page de "La Ballade de l'Impossible". Je me suis même mis en tête de jeter un oeil à l'adaptation cinématographique de 2011: aucune peur d'être déçu car l'oeuvre en elle même m'aura déjà comblée.

    Je fais forcément une petite pause George Bataille (j'ai un rhume, j'ai commencé ça à 5h du mat en me noyant dans mes glaires). 3 nouvelles avec un style différent où certes la crudité est ultra-présente mais plutôt ou moins occultée par une écriture qui se veut poétique. Agréable mais sans surprise. J'attaquerais certainement le fameux Tome3. Une envie de toucher à Fitzgerald et son Gastby (il le vend bien!). Quant à toi?

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  2. Salut,

    En fait, dans la petite ville dont je suis originaire, que l’on soit homme ou taureau, il n’est plus possible d’y camper. Désormais, il est plus facile d’y dénicher un PMU qu’un sourire d’estivant.

    Pourtant, le tableau n’est pas si noir. Il y a un cinéma dont la programmation est à couper le souffle. Pour l’anecdote, je me souviens d’un matin, où je m’étais fait renverser par « Lola » de Mendoza. Un bijou philippin, délicieusement déstabilisant.

    Je n’avais pas pris le temps d’aller voir « La Ballade de l’Impossible », même s’il me tentait bien. En tout cas, le fait que l’adaptation soit signée Tran Anh Hung est plutôt rassurant.

    Coté littérature, je vais parfois à la bibliothèque lire Mona Ozouf – extraordinaire cette femme – et je ne me lasse pas de lire Kundera, dont je parcours en ce moment « La Plaisanterie ».

    Ah oui, au fait, merci de ton aide pour ma liste d’achats. L’autre jour, je suis tombé sur « Gatsby le Magnifique » de Fitzgerald. C’était là une nouvelle traduction, une belle couverture, bref, un bel objet. Pourtant, je suis rentré chez moi les mains vides. Je crois que je suis classicophobe, mais je me soigne. J’irai l’acheter demain.

    Que tes déferlantes de glaires te soient légères !

    La classe à Dallas.

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