A propos d'un changement radical.

             Il y a peu de temps. Un matin. A la radio, j’entends un mec parler à un autre. Sur le coup, les noms m’échappent. Peut être parce que c’est chiant. Une sorte de ressassement un peu vain. Et nanani, nananère, la Crise, les classes moyennes, l’Eurozone, le naufrage, le mur… Je continue donc à boire mon café, en pensant à W. Allen disant que « l’éternité, c’est très très long, surtout vers la fin ». L’ennui aussi, me dis-je. Et puis, tout d’un coup, vlam, boum, patatrac, une Déclaration d’Amour prend l’antenne. Un écrivain Irlandais parle des romans en nous disant qu’ils sont autant d’occasions d’« élargir notre être en nous introduisant dans des expériences qui ne nous sont pas propres. » En voilà un qui sait viser. Dans le mille, oui, dans le mille. Fini le spleen. Je commence à réfléchir en me disant que si la formulation est excellente, elle reste trop frileuse. Pourquoi se limiter au domaine du roman? Je pense aux bandes dessinées, aux jeux vidéo, et aux séries TV.  Pourquoi snober ces facettes de la Fiction ? Par ignorance, peut-être, oui, par ignorance.

L’inventivité a changé de camp. Si certains n’ont pas saisi le changement, ils en seront pour leurs frais. D’autres au contraire, l’ont déjà compris. Dans leur chair presque. Pour certains écrivains, c’est douloureux, d’autant que lorsque que l’on travaille pour le jeu-vidéo ou la série télé, le talent paie bien.





Mieux vaut probablement une douleur vive et temporaire, qu’une douleur sournoise et constante, non ?

D’autres écrivains, dans leurs discours, sont même presque inquiétants. Ils me font penser aux sympathisants du front national. Non pas humainement. Non pas idéologiquement. Seulement parfois, quand ils parlent des scénaristes des séries TV, on croirait entendre des frontistes crachant sur les immigrés : « Ils nous piquent notre boulot ». Voilà ce qu’ils disent. Si les premiers ont, à mon avis, en partie raison ; Pour les seconds, c’est au minimum, économiquement faux.

Quittons la France pour aller voir un Président de la République ouvert et cultivé. Quand B. Obama se dit fasciné et inspiré par les personnages de The Wire, je le crois. Il ne s’agit pas uniquement de se pavaner devant la presse. Et bien avant d’arriver à l’ultime saison, je le comprends.
Cette série ne se contente pas d’être un divertissement jubilatoire, car ses personnages finissent par composer un immense panorama. Et, en l’observant, on saisit mieux la distribution des pouvoirs, dans des les diverses organisations, mises en scène (politiques, administratives, économiques, criminelles…). Baltimore n’est que le lieu du théâtre.




M’y connaissant bien en littérature contemporaine et l’aimant intimement*, je peux l’écrire avec lucidité : Certaines séries TV sont plus excitantes que l’essentiel de la production littéraire actuelle. D’ailleurs, la collaboration d‘écrivains (Dennis Lehane et George Pelecanos, excusez du peu) à la grande aventure The Wire, enfonce le clou. Alors, il faut le dire aux écrivains français : brûlez vos Marcel Proust, vos Flaubert, ravalez votre arrogance, et allumez la TV ! M’enfin pas celle de Joséphine ange gardien.



*L’humilité peut bien aller se faire voir de temps en temps.

2 commentaires:

  1. Certes. Certaines séries TV ont bien plus à dire qu'un bon nombre de roman ( car c'est surtout ce qui est publié aujourd'hui ) ! Et 'The Wire' est en ce sens une œuvre gargantuesque, tout à fait noir, réaliste, qui laisse une empreinte indélébile, physiquement et mentalement. J'approuve.
    P.S : Pas touche à Proust !!! :p

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  2. C’est un mélange d’ignorance et de provocation qui m’a amené à égratigner Proust.
    Quant à Flaubert, il est devenu La Référence des écrivains français, ce qui m’agace.

    L’écriture est une catharsis… ^^

    A mon tour d’approuver ta description de The Wire : j’aime l’accent que tu mets sur la sensation physique. Ça sent le vécu !

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