Bien avant la boutique Montblanc.



Rue Crébillon.
 
Sur le trottoir, je suivais un couple qui sortait du cinéma. Je n’entendais au début que des bouts de parole ou plutôt des bouts de monologue. L’homme n’arrêtait pas de parler. Il avançait comme une machine et son attitude me donnait l’impression de l’avoir déjà croisé. La femme à côté semblait s’ennuyer ferme. Elle bougeait seulement la tête, sans trop en faire. Bien qu’ils se tenaient par la main, je commençais à me demander. Peut-être étaient-ils amants ou bien frère et sœur. Difficile à dire, ils conservaient une bonne distance entre eux. Le type continuait à parler : « … ce silence dans le film était somptueux. Il n’y a que Kaurismäki pour nous faire ce coup. Je ne sais pas toi mais moi… »
 
A la boutique Montblanc, la femme accéléra le pas. Je fis de même. Cette situation commençait à m’intéresser. Je regardais surtout cette femme qui réagissait de moins en moins au monologue interminable. Sa tête balançait de gauche à droite et j’entendais le type continuer : « … c’est pour ça que le cinéma existe, pour qu’il change ta vie. Je ne sais pas toi mais moi, c’est ce que j’aime. C’est sûr, le film n’est pas parfait mais… » Trois cent bons mètres s'étaient écoulés et je n’avais toujours pas entendu la femme. Nous choisissions des directions différentes à la place Royale. Je continuais à marcher en y repensant. Je me demandais bien à quel moment elle avait voulu l’étrangler.

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