Je lis assez peu en ce
moment. Sauf que l’autre jour, une phrase de Roland Barthes m’est revenue. Elle
dit simplement qu’il n’existe pas de plaisir d’écrire sans plaisir de lire.
Cette petite phrase délivre une vérité éclatante. Je suis donc retourné
à la librairie et le nom de Christian Bobin a resurgi. Et j’ai acheté son
petit livre intitulé l’épuisement. Je ne pense l’avoir choisi ni pour sa
couverture ni pour son titre ignoble, c’était juste un geste
inconsidéré. Et maintenant, plus bas, j’en éparpille quelques passages.
Riad Sattouf.
“ Nous ne ferons jamais assez confiance à cette enfance en nous.
Là où les mots font défaut, elle parle. Là où nous ne savons plus, elle
tranche.
Les adolescents sont les personnes qui mettent le plus de choses
sur les murs. Des photos et des mots. C’est que l’adolescence est un temps où
l’on est sans visage clair. L’ancien visage princier d’enfance est fané, du
moins on croit qu’il est fané et ça revient au même. Le nouveau visage, celui
de l’homme ou de la femme qu’on sera, n’est pas encore disponible, et on n’est
pas sûr d’en vouloir.
Lire c’est faire l’épreuve de soi dans la parole d’un autre, faire
venir de l’encre par voie de sang jusqu’au fond de l’âme et que cette âme en
soit imprégnée, manger ce qu’on lit, le transformer en soi et se transformer en
lui. Toute lecture qui ne bouleverse pas la vie n’est rien, n’a pas eu lieu,
n’est même pas du temps perdu, est moins que rien.
La culture et l’intelligence sont de deux ordres différents. On
peut avoir l’une et être dépourvu de l’autre. On peut être cultivé et d’une
bêtise épouvantable.
J’ai toujours craint ceux qui ne supportent pas d’être seuls et
demandent au couple, au travail, à l’amitié voire, même au diable ce que ni le
couple, ni le travail, ni l’amitié ni le diable ne peuvent donner : une
protection contre soi-même, une assurance de ne jamais avoir affaire à la
vérité solitaire de sa propre vie. Ces gens-là sont infréquentables. Leur
incapacité d’être seuls fait d’eux les personnes les plus seules au monde.
J’avance. J’avance en oubliant ce qui précède - dans ma vie comme
dans l’écriture. Dans la vie on se nourrit les uns les autres et ensuite on se
quitte. Les mères nourrissent les enfants, les enfants nourrissent les mères,
et puis ils se laissent. Les amants se mangent l’âme et ensuite ils se lâchent.
Je ne vois là rien de néfaste.
Il n’y a pas plus de règles pour l’écriture que pour l’amour. Dans
les deux cas il faut y aller seul et sans conseil, sans la croyance qu’il y a
des coutumes à respecter, des connaissances à avoir.
L’écriture est une bohémienne qui campe chez moi à intervalles
irréguliers, qui part sans me prévenir. C’est son droit. C’est le droit
élémentaire de ceux que j’aime de me quitter sans aucune explication, sans
raisonner leur départ, sans prétendre l’adoucir par des raisons qui seront
toujours fausses.”
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