Ça, c’est un écrivain !

                                                                         Kim Ki-duk

Extrait de LA CRAMPE, Gao Xingjian.

« Aussitôt, l’eau lui recouvrit la tête. Il ne voyait que le vert sombre de la mer, limpide et calme, troublée seulement par des chapelets de bulles qu’il égrénait en respirant. Il sortit la tête en clignant des paupières pour chasser l’eau de ses cils. Il ne voyait toujours pas le rivage. Le soleil avait disparu et le ciel au-dessus de la colline resplendissait de couleurs rosées. Et eux, jouaient-ils encore au volley ? Et la jeune fille, avec ce maillot de bain rouge. Il continuait à s’enfoncer, la douleur le contraignait à rentrer le ventre. Il fit rapidement une brasse, mais quand il reprit son souffle, il avala un peu d’eau âpre et salée. Dès qu’il se mit à tousser, il lui sembla qu’une aiguille s’enfonça dans son abdomen. Il dut à nouveau s’allonger sur l’eau, bras et jambes écartés ; il se détendit enfin et la douleur s’estompa aussitôt. Le ciel au-dessus de lui s’était assombri. Se pouvait-il qu’ils jouent encore au volley ? Tout dépendait d’eux ; la jeune fille en maillot de bain rouge avait-elle remarqué qu’il allait se baigner ? Risquaient-ils d’observer la mer ? Le point noir, au loin derrière lui, était-ce un petit bateau ou quelque objet flottant qui se serait détaché du bord ? Il ne pouvait plus compter que sur lui-même. Il aurait pu crier, mais en entendant le bruit continu et monotone des vagues, un profond sentiment de solitude, comme jamais il n’en avait éprouvé, s’empara de lui. Il se mit à tanguer, puis se restabilisa rapidement. Ensuite, un courant glacé irrésistible lui traversa le corps et l’emporta insensiblement. (...) Lorsqu’il atteignit le rivage, la plage était déserte et la marée montait. Il pensa qu’il avait bénéficié du courant. Des frissons parcouraient son corps nu exposé au vent. Il avait plus froid que lorsqu’il était dans l’eau. Il se coucha sur la grève, mais le sable était froid aussi. Il se releva alors et se mit à courir. Il avait hâte d’annoncer qu’il venait de frôler la mort de très près. »