The Black Keys - El Camino (2011)

Usine, mon amour.

            J’étais pris… euh saisonnier à l’usine quand un collègue tatoué jusqu’au cou, avec qui nous parlions du Blues Explosion, me conseilla les Keys. L’été durant, ce rock fiévreux se tailla la part du lion. Cette rugosité faisait barrage aux gestes répétitifs qui ne me convenaient ni physiquement (…le froid allait dissoudre mes dents…), ni moralement (…l’ennui me réinventait…) ; Une fois la tâche accomplie, le soulagement s’appelait « Rubber Factory ». En sortant de la boîte, je longeais un parking aussi sinistré que les idées de Bernard Henry-Levy, et dans la voiture, j’allumais l’autoradio. Dans la torpeur poussiéreuse, « Grown is so Ugly » et « 10 A.M. Automatic » étaient aussi doux qu’un massage aux graviers. Ça avait franchement de la gueule.




The Black Keys : El Camino.

            Depuis la déflagration « Brothers », Les Black Keys ont pris de la bouteille.  Finis les concerts au goût de jus de chaussette. Les deux gars de l’Ohio ont cassé la baraque avec leur tonitruante « Next Girl ». D’ailleurs, Vince Gilligan (producteur de Breaking Bad) a même annoncé qu’ils se lançaient dans la vente de camtars.
Mettons nous donc au volant de ce bouffeur d’asphalte. Jubilons dans un hôtel miteux où un mec danse comme le dernier des ahuris (« Lonely Boy »), rêvons en défrichant les rocheuses (« Run Right Back »), rions en perçant les volutes de sable (« Little Black Submerines »), et faisons un crochet pour admirer un monument qui a le vent en poupe (« Sister »). Morceaux si puissants qu’ils susciteraient une envie de Air Guitar à un finlandais venant de voir sa famille disparaitre dans un accident de car.





Edulcorant hypnotique.

            Evidemment, en fond de boutique, les puristes grinceront des dents. En voyant débarquer « Nova Baby », ils se feront l’effet de brocanteurs tombant sur un meuble Ikea. Non seulement cette chienne est propre sur elle, mais en plus, elle est a-ci-du-lée. Comprenez bien, tenter de mêler le blues à la pop est  aussi improbable que mélanger l’huile et l’eau. Les vieux routards n’hésiteront donc pas à vomir sur le bas coté, tout en jurant : « putain, du blues de comptable, mais merde quoi, du blues de comptable… ». Arrêtez-vous. Arrêtez-vous. Arrêtez-vous. Moi, j’ai attendu 16 secondes. Je suis foutu. Je me suis encore délecté d’une nouvelle trainée de « Nova Baby ». Ce plaisir est d’autant plus malsain que je ne suis pas comptable, pas plus que mon père ou mon grand père. Seulement, il y a dans ces 3 mins 27  des envolées qui me serrent le cœur comme de formidables mâchoires.


PS : J’ai rédigé cette chronique avant noël mais je tenais à la publier aujourd’hui. Mes cadeaux me font dire que s’il est agréable de voir que les gens qui nous connaissent nous apprécient, il est aussi savoureux de s’apercevoir que les gens qui nous aiment nous connaissent si finement.


2 commentaires:

  1. Une chronique à l'image de cet album: délectable!

    RépondreSupprimer
  2. Merci.
    J'ai une petite idée sur ton identité, alors je me permets de te le dire à nouveau : FELICITATIONS !
    Le travail, ça paye, comme on dit. :-)

    RépondreSupprimer