Philippe Djian - Vengeances (2011)



Djian agace les milieux littéraires bien pensant. 
Il réunit effectivement nombre de paradoxes.
Tout d’abord, il cite constamment en référence les séries TV américaines (Six Feet Under, Les Soprano, Breaking Bad), ce qui dénote une certaine originalité face aux Flaubert, Proust et autre Céline. Pire, Philippe Djian ne cesse d’affirmer qu’il se fout totalement de l’histoire.
Seule le rythme et la langue comptent.

Cette affirmation prend tout même sérieusement du plomb dans l’aile à la lecture d’ « impardonnables », « incidences » et de sa dernière pièce : « Vengeances ». Effectivement, Djian n’est pas franchement manchot quand il s’agit de ficeler une intrigue qui tienne la route.
D’ailleurs, les entrées en matière comme toujours dépotent et ne perdent par leur temps en descriptions fastidieuses. Le style est toujours aussi ramassé. Sec comme un whisky bien frappé qui s’avale d’une traite.

Tout débute dans le métro, un matin. Gloria, la vingtaine, au bord du coma éthylique est « secourue » par Marc qui décide de la ramener chez elle pour qu’elle y retrouve ses esprits. Après avoir copieusement saccagé son appartement, elle disparait. Marc commence alors à s’interroger sur son propre comportement (pourquoi jouer subitement au bon samaritain ?) et sur l’attitude de Gloria (pourquoi aller jusqu’à détruire sa Gibson avec une telle rage ? Pourquoi n’avoir dérobé que la photo de son fils (Alexandre) ?).

Un an auparavant, Alexandre s’était fait sauter le caisson à une réception organisée chez des voisins. Subrepticement, Djian évoque ici la pernicieuse culpabilité que cet acte engendre chez les autres, plus ou moins ravivée selon les circonstances.
Évidemment, le point d’incandescence sera atteint lors du retour de Gloria. Au surplus, un couple d’amis de Marc, haut en couleur, rendra le tout plus abrasif encore.
L’évolution de cette amitié au fil du temps apparait sous une lumière crue(lle).

Djian adopte une perception désabusée (que je ne partage pas) sur ce qu’il est convenu d’appeler la génération Y, sans oublier d'égratigner sa propre génération.
Jugez plutôt par cette description, alors que la porte s'ouvre sur une soirée dans le voisinage :
« Géraldine, l’hôtesse, blonde décolorée, large mâchoire, faux seins. Lui, Roger, connard ultralibéral, si laid qu’il en était presque beau. »

Pourtant, rassurez-vous, on est ici à mille lieues du roman à thèse.
Il s’agit d’une nourriture littéraire mitonnée aux petits oignons, avec une pincée de Panda Bear, de The National et de PJ Harvey qui relève le tout.

« Lorsque les deux hommes rentrèrent, les bras chargés de provision, la bouteille de Chardonnay était vide – passée, pour la grande part, directement dans le sang d’Anne qui ondulait des épaules et des hanches, comme une anguille en chaleur, sur le dernier album de Panda Bear ».

« Vengeance » est une constellation d’une beauté paroxysmique et irradiante.

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