Philip Roth - Le Théâtre de Sabbath (1998)

« Le Théâtre de Sabbath » n’est probablement pas la meilleure porte d’entrée de la contrevie de P. Roth. 
Elle est la plus complexe, la plus abrasive et assurément, la plus cruelle.
L’américain nous prouve ici que la littérature nous apporte éminemment plus de matières à penser que la philosophie, ou au moins, que la perception intime des choses prime toujours.

Mickey Sabbath (64 ans) est un marionnettiste aux doigts déformés par l’arthrose, depuis toujours, débordé par sa libido. Cet ancien marin, baroudeur des bordels en tout genre, doit faire face à la mort de sa maîtresse : l’impétueuse Drenka.
Vivant toujours avec sa femme (assidue des alcooliques anonymes), Sabbath décide de la quitter, non sans donner au lecteur une idée de l’ambiance régnant entre ces deux là.
Pour Sabbath, suivra notamment un périple chez un de ses amis New Yorkais, parangon de la réussite sociale. Le tout est également soutenu par une introspection intime, tournant autour du désir de Drenka, qui lui, est tout sauf mort.

Je repense à cette scène surréaliste de Sabbath, dans un cimetière, dépité à l’idée qu’une tante qu’il ne connait pas, a eu la mauvaise idée de se faite enterrer auprès de ses parents et de son petit frère (mort très jeune pendant la guerre 39-45), avant que Mickey Sabbath ne prenne la décision de se suicider.

Je m’arrête là. Il y a tant de couches successives et de nuances dans cette œuvre, qu’elle en devient impossible à résumer. Au fond, Roth prend à son compte l’idée que son ami Kundera élabore dans le somptueux roman « Immortalité » : je tenterai de manière caricaturale, de la résumer ainsi : l’homme pour être heureux doit faire de sa vie une répétition continuelle de gestes, de mots, d’actes ; or, l’existence est une ligne droite, donc l’homme ne sera jamais pleinement heureux.

Evidemment, présenté ainsi, cela confine au nihilisme rance. Pourtant, sous la plume d’un styliste de la trempe de Roth, cela a quand même une autre gueule.

Kundera dans immortalité, résume cette idée ainsi :

« La route n'a par elle-même aucun sens; seuls en ont les deux poins qu'elle relie. Le chemin est un hommage à l'espace. Chaque tronçon du chemin est en lui-même doté d'un sens et nous invite à la halte. La route est une triomphale dévalorisation de l'espace qui aujourd'hui n'est plus rien d'autre qu'une entrave aux mouvements de l'homme, une perte de temps ».

Sans citer Roth, je citerai Joël Bécam qui sur son blog « l’amour délivre », condense admirablement l’idée phare du « théâtre de Sabbath » :

« Il faut parfois, il faut toujours longtemps, avant d’apprendre que notre vie n’est pas faite pour être réussie, ou ratée, mais simplement vécue. Parfois, pour certains, une vie entière n’est pas de trop pour l’apprendre. Et d’autres ne l’apprendront que sur le tard ; d’autres, encore, bien trop tard… Enfin, comme il se doit, les plus malheureux ou les plus fous – ne l’apprennent jamais ».

Un résumé incroyablement fidèle à ce que j’ai ressenti en refermant ce joyau de la littérature contemporaine.

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