Festival des TransMusicales (Samedi 3 décembre 2011)



            Le parc des expositions Rennais est un berceau de la culture de salons. C’est ici que les caravaneurs cèdent leur tour aux agriculteurs, qui ouvrent eux-mêmes la voie aux défricheurs de territoires géographiques, voire érotiques (… défi aussi ambitieux qu’évoquer la liberté en Corée du Nord). Au risque de froisser l’agriculteur libidineux de passage, j’avoue mon abstinence en la matière. En entrant dans l’enceinte ce soir là, je suis donc surpris par le visage qu’elle offre. Cela me fait penser aux studios de cinéma de Babelsberg, où je n’ai jamais mis les pieds mais souvent « vus à la télé ». Il faut se frayer un chemin parmi cette foule qui transite de gigantismes en gigantismes, de halls en halls. Des chiffres lumineux permettent de bien se guider. Les halls 3, 4 et 9 sont visiblement investis par les festivaliers. C’est à l’intérieur de ce dernier que l’on ressentira mieux ce coté froid et majestueux, presque intimidant.

            Hall 9 : La chanteuse de Carbon Airways entame sa prestation pied au plancher en poussant d’emblée sa voix dans ses retranchements. L’air se raréfie et devient presque aussi bouché que les artères d’un Ecossais. Les compositions électro se taillent la belle part du gâteau, remontées à bloc, elles se fraient elles-aussi leur chemin en quête de proies. Quand l’autre chanteuse du duo prend à son tour le micro, les milliers de personnes sont littéralement électrisées. Le feu nucléaire est déclenché lorsque des jeux de lumières démentiels s’activent, alors, on imagine que même Ray Charles dans un tunnel aurait été épileptique. J’apprends plus tard que le tandem vient de Besançon et est formé par un frère et une sœur de 14 et 15 ans. L’obscurité scénique et la voix non encore muée du garçon nous avaient trompés. Au moment d’écrire cette chronique, je lis quelque part que leur préfecture d’origine avait voulu annuler le concert par crainte pour la scolarité des deux mineurs. Etonnant argument. Et je vous retranscris cette réplique imparable : « On arrive à faire nos devoirs sans problème. Et puis, on fait quelque chose de positif, on ne brûle pas des classes de lycée ». Sidérant à bien des égards.

            Après quelques gorgées de bière bienvenues, voilà un court détour dans le hall 4 où le Hip-Hop fragmenté et déroutant de Shabbaz Palace prend ses marques. Je ne m’étends pas davantage car très vite, direction est prise pour le hall 3 où l’Iranien Kourosh Yaghmaei va à l’âge de 65 ans fouler pour la première fois de sa vie une scène étrangère. Malheureusement, nous découvrons que le guitariste à la moustache « zappaenne » a décidé de rester dans son pays. En y réfléchissant, on comprend que la situation actuelle en Iran et le fait d’avoir un jour été condamné à 17 ans de censure dans son pays puissent expliquer quelques hésitations… Le Californien Hanni El Khativ aura alors la lourde tâche de le remplacer. Il débarque donc avec un rockabilly très 50’s, efficace sans être flamboyant, et avec une arrogance, franchement laide. Le trentenaire n’est pas non plus insignifiant car non seulement il est un skateur reconnu (voyez, j’ai des critères objectifs), mais aussi parce qu’il fait preuve de beaucoup de talent en reprenant le « Heartbreak Hotel » de Presley.
Alors que la nuit, comme certains festivaliers, est déjà bien entamée : Retour aux sources au hall 9. Sebastien Devaud, alias Agoria, prend les manettes en distillant une musique House des plus amples et chaleureuses. Un vrai spectacle réjouissant avec une imagerie incroyable renvoyant notamment au jeu-vidéo Wipeout. Vous savez on dit parfois que les bons souvenirs sont comme les bonnes bouteilles de vin, ils ne s’apprécient qu’avec certaines personnes. Je voulais prolonger cette idée : les barquettes de frites de fin de festival sont comme les bons souvenirs. D’ailleurs, elles le deviennent.

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