Hunter S Thomson - Trublion pitoyable et magnifique.



Hunter S. Thomson, fondateur du "nouveau journalisme", est un écrivain majeur.
Le recueil épistolaire dont je veux vous parler s'intitule " Gonzo Higway". Cette grenade dégoupillée contient des lettres foisonnantes, qui sont de véritables coups de haches assenés dans l'Histoire post-2nd Guerre Mondiale des Etats-Unis.
Thomson, dans des formules miraculeuses, démonte son petit monde, du créancier au dentiste, en passant par Nixon. Si HST est plus suffisant que la majorité des politiciens qu'il dénonce, il y a bien dans son verbe, une énergie formidable. Il trouve dans la majorité de ses textes cet équilibre magique que l'immense majorité des écrivains n'aligne pas.

D'aucuns le traitent de provocateur antipathique.
Quand, en effet, HST se complait à décrire quel pied il prend à descendre dans la rue, pour foutre une bonne rouste aux "tapettes" qui prolifèrent selon lui, il ressemble volontiers à une tête brulée bas de gamme.

D'autres pensent qu'il est simplement quelqu'un d'entier, ombre et lumière réunies. C'est bien là que se niche à mon avis, l'immense capacité d'attraction de Thomson. Le bougre a fait sienne l'idée d'Orwell, selon laquelle, pour comprendre, il faut vivre.
Si Orwell a vécu dans les rues de Paris et de Londres pendant plusieurs années, HST est parti en Amérique du Sud, sans un sou en poche, s'embarquant sur un cargo de contrebandier. 
C'est là l'une des multiples aventures que Hunter S. s'est infligé.
La plus célèbre d 'entre elles, sera son périple à Las Vegas sous champignons, dont il tirera son célèbre roman "Las Vegas Parano". Autrement plus douloureux fut son reportage sur les Hell's Angels qui le conduira à l'hôpital sous les coups des motards qui le battront comme plâtre, pour les avoir décrit dans leur majorité comme des paumés pathétiques.

A 17 ans seulement, HST écrit :
" Ainsi laisserons-nous le lecteur répondre à cette question : qui est le plus heureux, l'homme qui aura bravé la tempête et la vie et vécu ou celui qui sera resté en sécurité sur la berge et se sera contenté d'exister ? "

Par ailleurs, je vous livre une lettre incroyablement prophétique dudit recueil. 
22 novembre 1963, JF Kennedy vient d'être assassiné à Dallas, HST dans une humeur guère froide (si vous me permettez le jeu de mot) écrit à son "ami" Paul Semonin qu'il soupçonne d'être communiste :

Le 22 novembre 1963
Woody Greek, Colorado

Paul,
J'essaie de composer quelque chose en réaction à l'infamie puante commise aujourd'hui. Disons qu'il s'agit d'une réaction "locale" à chaud mais, évidemment, ce n'est pas ça. C'est ma réaction personnelle exprimée façon "couleur locale". Personne ne m'a rien demandé, mais je l'envoie quand même. Mille mots - fichtrement peu pour combler ce trou atroce.
Je suppose que vous êtes en train de faire la noce, les gars. Encore une victoire du marxisme. Ma foi, ils feraient mieux de recompter les points parce que la défaite est aussi cuisante pour eux que pour moi. Le nom des vainqueurs n'a pas encore été divulgué, mais ils vont bientôt redescendre sur terre - après une période de deuil respectable. C'est le triomphe de la démence, de la pourriture, nous entrons dans les heures les plus cradingues de notre temps. (...) C'est de loin l'acte le plus chargé de sens du XXème siècle.

Hunter S. Thomson avec son incroyable talent pour trouver les bons mots, nous fait revivre de manière subjective et hargneuse, la seconde moitié du XXème siècle.
Thomson à 68 ans, se suicidera d'une balle dans la tête dans son ranch du Colorado. 
Pour l'anecdote, ses obsèques auront été financées par son ami Johnny Depp.
Conformément à sa volonté, ces cendres furent disséminées dans le ciel du Colorado, par un immense canon à neige.

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