Quelques longueurs en papillote.



            Comme il n’y a personne à l’entrée, elle se laisse glisser le long du couloir, contourne le portique et s’installe pour délasser ses rollers. Regardant derrière elle, elle constate qu’elle vient de tracer de fines pellicules sous l’effet de la pluie. Nus pieds, elle part à la recherche d’une cabine. Dans le renfoncement, elle en connaît une confidentielle, une dont la porte ne vous demande pas combien mesure votre bite. Elle y entre, laisse ses rollers dans un coin, s’assied sur la planche à mi-hauteur. Le vent traverse l’ouverture de la fenêtre et des feuilles commencent à s’y engouffrer. Dans la cabine, il y a les restes de papillons de nuit. Elle les fixe puis se déshabille, règle son maillot, enfile ses lunettes, se rend aux casiers puis aux douches. Là, elle n’est pas très à l’aise. Elle n’a en fait jamais vraiment compris pourquoi dans cette piscine, les femmes et les hommes faisaient douche commune. Au moins, ce mélange des genres lui aura permis d’observer le comportement des hommes puis de les classer en diverses catégories. Selon elle, il y a ceux qui se laissent guider par le plaisir de nager, ceux qui répondent à une nécessité, et puis le gros des troupes qui se déplace uniquement pour séduire.
Elle avance prudemment sur les carreaux multicolores. Il y a trois hommes qui discutent dans le coin opposé. Elle choisit la douche la plus proche en veillant à couper l’arrivée d’eau chaude. Un temps, le jet glacial la fait vaciller mais son corps se détend progressivement. Elle accentue la puissance et reconnaît parfaitement les picotements entourant son vertige. Un tournoiement haut de gamme, comme si on lui insufflait de la menthe fraîche à travers les veines.
Recouvrant ses esprits sous l’attention des nécessiteux d’en face, elle récupère sa serviette puis gravit lentement les marches de l’escalier. Elle ne sait trop pourquoi mais à ce moment une scène du film Polisse lui revient en mémoire. Ce sont les paroles de cette adolescente qui accepte de sucer ses voleurs pour récupérer son téléphone. L’adolescente précise aux policiers qu’il s’agissait tout de même d’un beau téléphone. Elle, elle ne comprend pas. C’était un beau téléphone quand même. Elle, elle ne comprend vraiment rien à rien. Et elle se demande bien quel degré de ravage intime faut-il avoir atteint pour se soumettre à ce point.
Avant d’entrer dans l’eau, elle verra fugacement le visage de Simone de Beauvoir grimacer de douleur. Puis elle pratiquera un joli dos crawlé. Et en sortant, elle veillera à garder l’équilibre sur ses rollers. Derniers vertiges avant que les voutes de la piscine ne viennent peupler sa nuit.







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