Arrêt médiathèque.
J’ai loupé la sonnerie du réveil tout
à l’heure. Je me sens un peu démâté en arrivant à la médiathèque. L’allée
principale me semble interminable. A la porte tout de même, je comprends vite
qu’il faut tirer plutôt que de pousser. Je passe devant Sylvie en lui faisant un
signe de tête. Et je décide de m’arrêter aux toilettes pour éponger quelques
perles de sueur. Dans cette pièce étriquée, la lumière est atroce. Je regarde mon
reflet. Fleur de peau, teint nébuleux, traits filandreux, c’est tout moi.
Là-haut, je finis par m’asseoir derrière mon bureau. Rongé jusqu’au crane, j’imagine qu'on m’enfonce des clous dans le cortex. Je sors mes lunettes du
tiroir, puis je feuillette un Bukowski. Pour mes 44 ans, maman m’a offert Journal d’un vieux dégueulasse. Elle a
toujours eu beaucoup d’humour... Le problème, c’est que vu mon état, les
phrases se chevauchent comme des bêtes. Pas surprenant donc que je sois sur le
point de roupiller quand une voix vient me cueillir. Elle me dit que c’est pour
le renouvellement de sa carte. Procédure classique, lui dis-je, ce sera rapide.
Je tente quelques blagues le temps qu’elle me donne ses coordonnées, la belle foirade.
Tête de caboche.
Je déjeune souvent avec Sylvie. Nous
avons pris l’habitude de nous retrouver dans la même brasserie, aux mêmes
places, autour des mêmes discussions. Le plus souvent, il est difficile de l’arrêter.
Je tends donc l’oreille : …tu verrais, la
nouvelle émission de W9, la fille a du charme, c’est sûr, mais les mecs, pas un
pour racheter l’autre, la blondasse va partir avec les nouveaux, c’est sûr, des
beaux gosses, tu verrais… Son enthousiasme m’impressionne. Alors, une fois chez moi, je me
surprends à regarder « la belle et ses princes presque charmants ». 10
minutes passent puis je coupe le son. Ces effets de caméras, ce ralenti, cette piscine,
cette blonde, ces flashs sont imbuvables. Je m’apprête donc à
éteindre le poste quand la voix off réapparaît. Elle dit que le concept
est révolutionnaire. Je lève les yeux au plafond. Elle m’annonce que Marine
devra choisir l’homme de sa vie, puis m’indique qu’elle choisira entre des
ploucs aux grands cœurs et des musclors aux regards de bovins. Tout de
même, je finis par la faire taire. Les images continuent à défiler. Je me descends une bouteille de Vieux Papes, puis deux, puis trois... pour
s'enfiler cette mélasse me dis-je, il faut la prendre à 13,7°.
Plus tard, dans la maison, la température deviendra extrêmement faible et je
finirai par m’endormir sur le carrelage. La TV quant à elle, se remettra d'une gueule de bois carabinée, dans une poubelle de la cave.
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