En bas de l'escalator




            Je me déplace rarement aux séances de dédicaces. Ce cérémonial m’ennuie. Son intérêt m’échappe. Pas la peine d’avoir 103 ans pour réaliser qu’il existe des endroits plus excitants qu’une grande surface. Pas la peine d’atteindre les 53 pour comprendre qu’il y a plus passionnant qu’un type affalé sur son papier. Pas la peine d’en avoir 3 pour prendre ses jambes à son cou, mais pas la peine non plus d’en faire une montagne. 






Le jeu en vaut parfois la chandelle. Je me souviens d’un après-midi que je n’avais pas jeté par la fenêtre. C’était dans un magasin où j’avais pris mes quartiers. Au rayon bandes dessinées du premier, Manu Larcenet y livrait son Combat Ordinaire. Cette aventure m’avait emporté. Et son auteur n’a rien d'un branque. Ce jour, il eut l’intelligence de laisser la discussion s’installer. Naturellement, les questions commencèrent à pleuvoir. Un vrai dialogue pris forme. Il parla de sa femme, de ses enfants, de son travail, de ses collaborations,  de ses projets, et je crois qu’il était sincère.

Un coup d’œil à la ronde m’apprit que j’étais le plus jeune. Sur ma droite, je remarquais un homme qui trépignait, comme s’il venait de perdre ses cheveux. C’est assez clair. Avec sa cinquantaine bien sonnée et son attitude d’ado, il était imparable. J’allais lui indiquer la direction pour se soulager quand il posa sa question : Mais, monsieur… euh… Larcenet, quand vous allez aux toilettes vous, vous lisez quoi ?  Quelques rires se promenèrent çà et là, puis la réponse fusa : Eh bien… généralement, quand je me rends à cet endroit, je me contente de faire ce qu’on a à y faire. Les regards roulèrent alors vers le quinqua, visiblement troublé, en des sphères inconnues.






Ce début de soirée est encore frais à mon esprit. Je sors du Virgin. Il pleut à boire debout. Sur les pavés, mes pas sonnent bien. Je trace ma route jusqu’à la prochaine bouche de métro, et en dévalant l’escalator, j’envisage l’insensé. Les auteurs de BD sont des gens comme tout le monde. C’est clair. Emporté par la première rame, je réalise l’impensable. Les écrivains sont des gens comme tout le monde !


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