3 grammes et demi.

          
            Le mercredi, en passant devant cette place, je vois toujours ces deux garçons en compagnie de leurs skates. Chaque semaine, ils semblent avoir progressé. Ils ne devraient plus tarder à pratiquer le Skate Park d’à coté. Leur persévérance fait plaisir à voir. Ils se moquent de tomber, s’encouragent pour se relever, et reviennent avec panache.

Mon pote, si tu savais à quel point leurs gestes m’en disent long sur notre amitié, nos 400 coups, nos 800 coups… D’ailleurs, c’est en les observant qu’un souvenir m’est revenu. Je ne sais pas si tu t’en rappelles. Alors maintenant, si ce n’est trop demander, je veux que mes phrases se contorsionnent, je veux qu’elles se transforment en kick flip, voire même en crooked grind. De toute manière, si je me plante, tu seras là pour te foutre de ma gueule et m’aider à me relever. Je le sais.






1 rituel.
           
Rue Lamartine, c’est une virgule, en bord de forêt.
 
            On est fin août ou presque, et les garçons s’amusent dehors. Ces deux là sont collés l’un à l’autre. Cette rue, ces arbres, et leurs cabanes existent pour eux. Si l’on oublie le bruit de moissonneuse, en arrière fond, le calme de la rue est impeccable. Adossés au mur, ils parlent de la rentrée. Elle approche. Ils se rappellent certains visages, évanouis le temps d’une saison. Un parfum de secret flotte autour d’eux.

Quand arrive l’heure du dîner, ils rejoignent leurs maisons, situées à un jet de pierre l’une de l’autre. Ils y engloutissent leurs repas à vitesse grand V, car le temps presse. La nuit ne va pas tarder à grignoter le jour. Presse le temps. Alors vite, très vite, ils se retrouvent dans la cave. C’est ce soir ou jamais. La mécanique est rodée. Ils dégotent quelques liquides pour remplir une bouteille complètement bousillée. Ils snobent les têtes de mort sur les étiquettes, et le cocktail mis au point, remontent sur La Rue.

La bouteille voltigera, dans le ciel, des heures durant. Sur le bitume, elle s’effritera peu à peu. Et à mesure que le jour déclinera, la crainte que l’insecticide et la lessive explosent à leur figure s’accentuera. Sur les coups de 23 heures, l’explosion surprendra l’un des deux. Ça ne loupera pas. Ensuite, avant de se coucher, l’un d’eux s’attardera davantage dans la salle de bain. Et puis, sous la couette, à distance, ensemble, ils souriront, comme des ravis de la crèche.

Le week-end suivant, les préparatifs pour la rentrée battront leur plein. La lessive fera une sortie en grande pompe.  Et au matin du lundi, à 7h30, ils prendront le chemin de l’école. Ensemble, comme toujours, le mystère allait s’éclaircir.




                                                                                    Photo collector.   Août 1993. *

 
Et demi.

Note amitié est un océan flamboyant.

Elle m’est essentielle.

Ce texte est une goutte d’eau.

Mon pote, notre amitié est flamboyante, flamboyante,

et je pèse mes mots.

 La balance n’est pourtant pas à portée de main…

Je vais tout de même tenter de…

Ah, voilà…

Si l’on colle l’adjectif « flamboyant » à notre amitié,

la cadran indique qu’il pèse 3 grammes et demi.

C’est ça, 3 grammes et demi.





* Redécouverte sous ma collec' de pogs.

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