Animal Collective - Merriweather Post Pavilion (2009)



Animal Collective serait (je cite) : « une nouvelle arnaque branchée étiquetée « arty » comme il s'en fabrique à tour de bras à New York », dixit Louis-Henri de La Rochefoucauld de l'excellent magazine littéraire « Transfuge».
Il n'est évidemment pas question de remettre en cause les goûts des uns et des autres, mais il n'en reste pas moins que le journaliste aurait bien fait de s'informer correctement (c'est son boulot après tout) avant d'affirmer de telles choses.
Dire d'Animal Collective qu'il est une nouvelle « arnaque » (puisque c'est l'expression employée), c'est oublier que le groupe existe depuis bientôt 10 ans.

Considérer cela, c'est soit faire preuve de défaut d'information, soit être un vieux con adepte du regard en arrière ; si ce n'est les deux.

Voici ma critique titre à titre, de "Merriweather Post Pavilion" :


1. Animal Collective – In The Flowers (5'21)

En entrant dans le navire « Merriweather Post Pavilion », une dizaine de « Gollums » rampants vous souhaitent la bienvenue, et vous susurrent à l'oreille un borborygme s'apparentant vaguement à un « on the beach, on the beach, on the beach... ».
Le voyage peut commencer.
La patte Animal Collective est reconnaissable entre mille.
Les notes de piano et la voix aérienne du génialissime Panda Bear font leur entrée.
Les frissons courent déjà, totalement indépendants de votre volonté, tels des insectes multicolores insaisissables.
2'31 : Explosion sidérante et tentaculaire.
Une bombe explose en votre cœur, vous laissant vacant, sourire béat.
Plus rien n'existe en votre esprit, si ce n'est cette magnificence chancelante.
La déconnexion est absolue.
Le spectacle est saisissant, des milliers de notes de piano tourmentées tombent dans la nuit, frappant la surface de l'océan, telles des gouttes de pluie colorées.
Le chant, en équilibre au dessus du monde, est d'une justesse et d'une beauté à en mourir sur place.
Animal Collective est de retour.


2. Animal Collective – My Girls (5'40)

« My Girls » est un ouragan dans la tempête.
Une pépite étoilée dans une mine d'or.
« My Girls » est belle à en pleurer toutes les larmes de son corps.
Une cathédrale sonore renversante dont seul les new yorkais ont le secret.
Il y a d'abord ces mystérieux lasers psychédéliques qui percent l'obscurité :
Oppressants, cajoleurs, structurants et indispensables.
Et il y a surtout ce chant de Bear : rafraichissant, euphorique et insaisissable.
Un chant qui serpente dans le ciel, définitivement sous amphétamines.
Ce que je vois, c'est un village psychédélique dans la campagne indienne, des paysans qui lèvent les bras au ciel, recevant une pluie bienfaitrice, et dansant tous ensemble.
Sorte de comédie musicale utopique, illusoire mais jouissive.
Ce qu'il faut voir en réalité, c'est davantage des accrocs de pop barrée avec un casque audio sur la tête et qui sourient comme des aliénés, recevant tant de beauté pop entre les deux oreilles, qu'ils se tiendront tranquilles durant les quinze prochaines années.


3. Animal Collective – Also Frightened (5'13)


« Also Frightened » est plus classique dans sa structure, il s'agit à mon avis ici du morceau le plus faiblard de l'album. Pourtant, ne vous y trompez pas, il y a assez d'idées géniales dans cette chanson pour remplir la carrière d'un excellent artiste pop.

« heyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyy »

Ce qui manque à cette ballade pour atteindre les sommets voisins, c'est un peu de folie et plus de percussion. En revanche, le chant de Panda Bear y est toujours époustouflant, et cela ne trompe pas. « Merriweather Post Pavilion » est l'album d'Animal Collective à conseiller aux néophytes, l'interprétation vocale atteint une telle perfection, qu'elle ne peut laisser de marbre.
Je suis heureux qu'Animal Collective puisse séduire un public plus conséquent, surtout quand c'est en sortant l'une des plus belles pièces de son œuvre. Comment une journée peut elle mieux commencer qu'en allumant sa radio et en entendant une chanson de « « Merriweather Post Pavilion » ?

« heyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyyy »

La candeur des « Are You Also Frightened ? Are You Also Frightened ?... » chantonnés en bout de course ne peuvent que vous suivre toute la journée. Quand vous marchez dans la rue, les yeux encore embués de rêves et le cœur léger, lorsque vous prenez le métro, ses étoiles filantes apaisantes et multicolores vous suivent, vous entourent, vous bercent, vous rende le sourire magique.


4. Animal Collective – Summertime Clothes (4'30)

Alors là, alors là... mon écrit est bien faible je crois, comment décrire ce que l'on ressent en écoutant une telle chanson ?

Imaginez une journée du mois de juin par une chaleur intense.
Imaginez, des bougies immenses et incandescentes, de celles qui éclatent dans tous les sens.
Imaginez au dessus, un trampoline géant.
Imaginez vous, réincarnez en marshmallows géants, sautillant et dansant.
Imaginez une odeur de marshmallows grillés vous rendant complètement dingue.
Imaginez des marshmallows cannibales et fous alliés.
...
Et oui, la musique d'Animal Collective n'est pas un compte de fée, surtout pour les marshmallows géants en train de griller sur place.
Ce que j'aime par-dessus tout dans « Summertime Clothes », c'est que la laideur et la beauté se servent l'une de l'autre, la rudesse et la douceur ne seraient rien l'une sans l'autre.
Tout ne tient qu'à un fil.
Mais quel fil... Me dites pas « Phil Collins », je vous parle sérieusement.
Quoi que j'ai peut être entamé ma crédibilité quelques lignes plus haut.
« Summertime Clothes » a deux qualités qui lui colle à la peau, elle est ultra festive et tres... personnelle.

La chanson de mes rêves.


5. Animal Collective – Daily Routine (5'45)


Voici une ballade épique et savoureuse avec une intro n'est d'ailleurs pas sans rappeler l'univers des excellents Battles (« voisins de palier » d'Animal Collective).
« Daily Routine » est une sorte de machine à sous intergalactique dans laquelle nous voguons en lévitation. Elle brille par sa nonchalance et par son attraction stratosphérique.
Fermez les yeux, et vous vous verrez décoller progressivement, suivant l'ascension de ce chant rêveur et crépusculaire.

Ce morceau me rappelle un roman de Benjamin Kunkel qui s'intitule « Indécision ».
En deux mots, c'est l'histoire d'un NEW YORKAIS de 28 ans qui souffre d'une étrange maladie, l'aboulie.
Celle-ci implique qu'il est strictement incapable de prendre une quelconque décision. Apres avoir ingurgité un mystérieux remède (l'Aboulix), il part pour un périple à Quito (Equateur) où il suit une femme belge pour le moins...étrange dans la JUNGLE, et il y découvre un PSYCHOTROPE locale et par la même occasion, l'éveil de sa conscience politique. Pas seulement d'ailleurs, mais chuuut..
« Daily Routine » est une envolée psychédélique qui draine de nombreux souvenirs, et a la qualité essentielle de la plupart des chansons d'Animal Collective.

Elle étend votre imaginaire jusqu'à des horizons absolument inconnus jusqu'à présent.
En deux mots, elle apporte de nouvelles pièces au puzzle de votre âme.
Si je puis m'exprimer ainsi.


6. Animal Collective – Bluish (5'11)


« Bluish » est une recette effectuée à la perfection, l'idéal dosage des ingrédients.
La justesse des saveurs qui nous sont offertes, mène à des émotions délicates et brassées.
Comme souvent, il y a plusieurs lectures dans la musique du collectif animal.
Le Ying et le Yang, si vous voulez.

Je ne peux d'ailleurs pas résister à l'envie d'accompagner l'écoute de cette chanson par un poème Chinois qui me plait beaucoup, rêveur et mélancolique, comme la musique des New Yorkais. Il s'agit d'un très court poème de Zhang Bi, et il provient de la dynastie des Tang, autant dire qu'il ne date pas d'hier.
Il n'a pourtant à mon avis, pas encore perdu son éclat.

" Le rêve vient s'attarder au même endroit,
La véranda qui borde la maison, la balustrade qui l'encercle
Rien de plus beau que la lune, brillant sur des pétales
Tombés sur le sol printanier pour le visiteur solitaire "


La musique d'Animal Collective est composée de vagues salvatrices qui vous déposent sur des terres inconnues, et la fibre épicurienne de ces mélodies ne peuvent à mon avis laisser de marbre, même les plus réticents.

Encore faut il prendre le temps de se laissé séduire.
Prendre le temps d'observer lentement.
Prendre le temps de gouter à cette saveur inconnue,
Tel un bon verre de vin rouge crépusculaire.


7. Animal Collective – Guys Eyes (4'30)


« Guys Eyes » est un marais abstrait hanté de fantômes improbables cherchant à communiquer avec le monde des vivants. Le chant de Panda Bear y est particulièrement beau.
Les paroles semblent indéchiffrables et ésotériques.

Comme souvent, la musique d'Animal Collective est mouvante tel un moustique affolé qui guide votre imaginaire.
Les merveilleuses explosions, les sautillements si émouvants et les hypnotiques vagues d'humeur sont de la partie.

Ecoutez « Guys Eyes », c'est s'adonner à la contemplation et la délectation.
La « volupté » serait le mot juste à mon avis.


8. Animal Collective – Taste (3'52)

« Taste » est une incroyable montgolfière qui monte délicatement vers le ciel, entourée de papillons multicolores bruissant dans tout les sens. Vous tendez vos mains hors de l'engin pour frôler les lépidoptères volubiles (la musique d'Animal Collective est un drôle de monde), et vos mains se retrouvent totalement trempées.
Vous flottez littéralement.

La musique d'Animal Collective est une drogue à part entière.
Elle fait disparaitre toute réalité,
et s'apparente à une fin du monde passagère.

« Pourquoi est ce que le soleil continue à briller ?
Pourquoi est ce que les oiseaux continuent à chanter ?
Est-ce que par hasard ils ne sauraient pas
Que la fin du monde est déjà là ? »


(Citation présente à l'aune d'une des plus belles œuvres littéraires que je connaisse : « La fin des temps » du génial Haruki Murakami, même si cet adjectif confine ici au pléonasme)


9. Animal Collective – Lion in a coma (4'12)

Un joueur de didgeridoo endiablé et aliéné ouvre au pied levé ce nouveau morceau, et ici on retrouve avec joie les accointances tribales d'Animal Collective.
Cela contraste nettement avec les paysages rêveurs et improbables que nous avons traversés jusqu'à présent. Il s'agirait davantage ici de se fracasser le crane contre les murs d'une camisole, engoncé dans un vieux sac de couchage aux couleurs criardes.

« Pleaaseee don't leave me... »

Pourtant ne vous faites pas d'illusion, vous n'y échapperez pas, « Lion in a coma » possède tant de beauté en elle, qu'elle vous donnera mille occasions de perdre la raison.


10. Animal Collective – No More Runnin (4'22)

Le chant dans “ No More Runnin” a toute la splendeur en elle des matinées de juin, ces débuts de journées emplis de soleil et de douceur.
Je ne suis pas connu pour être un fervent admirateur des publicitaires, pourtant « No More Runnin » n'a pas fini de me faire penser à une publicité pour l' « ami Ricoré ».

La perfection du chant, voilà ce qui différencie cet album des autres opus d'Animal Collective.
Les « No More Runnin » lancés dans le ciel bleu resplendissant, sont d'une justesse sidérante.
Ils sont aussi emplis d'espoir que ces lancés de ballons que nous avons tous eu l'occasion de faire un jour ou l'autre dans notre vie.
Si ce n'est pas le cas, il n'est jamais trop tard.
Allez tant pis, j'ose, « No More Runnin » est aussi délicieuse qu'une crêpe au nutella sur terrasse, à 10 heure du matin un 6 juin 2009.
Je vous vois venir mauvaises langues, n'allez pas croire par là que la musique d'Animal Collective se résume à un plaisir éphémère.
Elle a simplement de quoi faire rêver, et là est l'essentiel.


11. Animal Collective – Brother Sport (5'58)


Les artificiers d'Animal Collective l'ont bien compris, il y a un plaisir intense qu'il ne faut louper sous aucun prétexte : le bouquet final.
« Brother Sport » est un condensé de ce qu'Animal Collective a fait de mieux.
Elle peut également faire penser aux anciennes productions des excellents « Of Montréal ».
A mon avis, plus le temps passe, moins les groupes sont inventifs, mais cela n'a aucune importance, car ceux d'entre eux qui sont créatifs le sont pour mille.
« Brother Sport » est une boule de feu extravagante et frémissante.
C'est la cerise sur le gateau « Merriweather Post Pavilion ».

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